L'invitation au voyage, part II.

Allez on continue! J'ai encore beaucoup de choses à demander à ce grand voyageur qu'est Bobby Watson.

T.E: Est-ce que tu ne crois pas qu'aller aider les pauvres gens au bout du monde ce n'est pas un peu un vieux fantasme d'occidental de pays riche? Pourquoi ne pas aider ici?

B.W: C'est vrai que c'est un fantasme de bobo, mais bon je suis bien dans mes baskets à ce niveau là. Je fais l'éducation à l'environnement depuis assez longtemps pour pouvoir dire que c'est ma vocation la pédagogie! J'ai envie de voir comment ça marche ailleurs, parce qu'à la longue les bonnes volontés s'épuisent à rester dans le même environnement. Autre chose: à mon sens, la situation des tibétains n'a aucune commune mesure avec la détresse en France. On parle d'un peuple entier qui traverse des choses vraiment terribles là...

T.E: Est-ce que partir là-bas ça t'a aidé à y voir plus clair sur la vie en France, tes origines, tes buts?

B.W: Sur mes buts, pas vraiment. Je cherche encore. Ou disons plutôt que j'accepte l'idée qu'il n'y en a peut-être pas. Mais ce qui est sûr, c'est que cela m'a donné un autre regard sur les choses et les gens. Plus de recul je pense. Mes considérations sur la vie en France ont changé, c'est vrai, et c'est peut-être un peu pour ça que je n'aspire plus à y rester toute ma vie. Pour faire court, je dirais que je suis un peu attristé de la façon donc on se focalise sur l'inutile en s'évertuant à oublier l'essentiel, ici, que ce soit dans notre façon de voir les autres, de communiquer ou de dépenser notre salaire. Ce n'est pas évident à retranscrire comme sentiment là comme ça... ça fait très "jugement de valeur", alors disons simplement que cela ne me correspond plus.

T.E: Y a-t-il beaucoup de français là-bas? Qui sont-ils?

B.W: Je n'en ai pas croisé légion, hormis des touristes que je classerais en deux catégories: la "familiale" et le "routarde". Sinon j'ai rencontré quelques expatriés parfois un peu blasés, quelques travailleurs humanitaires souvent un peu bobos rêveurs ou post-ado qui veulent changer le monde, et des amoureux de l'Inde qui sont venus s'y installer pour de bon et qui ont toujours des étoiles dans les yeux. Mais je suis loin d'avoir fait le tour de l'Inde... pour l'instant!

T.E: Est-ce que tu n'as pas eu de déceptions entre l'idée de départ et sa réalisation? Comme par exemple constater que dans l'humanitaire les gens sont parfois un peu pourris et vaniteux, ou des choses de cet ordre là?

B.W: A vrai dire, c'est surtout à mon retour d'Inde que j'ai été choqué par des comportements vaniteux ou un peu pourris. Les gens dans l'humanitaire sont surtout pleins de bonne volonté mais n'ont pas la rigueur ou les armes pour aller au bout des choses. Mais encore une fois, ce n'est que mon retour d'expérience de mon premier voyage.

T.E: Quelle vision de la France ont les Indiens?

B.W: Une vision très romantique! La France c'est Paris, les Champs-Elysées, la Tour Eiffel, le champagne... Et sinon historiquement c'est Napoléon! Cela dit, c'est au cours de mon précédent voyage en Inde que je me suis rendu compte que nous non plus nous ne connaissons vraiment pas grand chose de la société, de l'histoire de la vie sociale indienne. Donc c'est de bonne guerre!

France: suggestion de présentation, photo non contractuelle.

T.E: En ce moment en France quand on parle de l'Inde c'est au sujet des viols et des conditions de vie déplorables des femmes. Que peux-tu nous dire là-dessus?

B.W: Que tout ça est malheureusement en partie vrai, mais qu'il faut nuancer un peu le discours. L'Inde c'est gigantesque, c'est un bain culturel hyper complexe et composé de biens des ethnies et religions différentes. Du coup, on y trouve le pire comme le meilleur. On nous montre juste toujours le pire à la télé. Dans les campagnes, que je qualifierais presque de "médiévales" pour certaines, ou dans certaines provinces au fonctionnement très archaïque, il ne fait pas bon naître fille... Et c'est vrai que ça représente sans doute la grande majorité. Par contre, dans d'autres endroits, les moeurs sont  très européanisées (reste à savoir si c'est bien ou mal, mais pour les femmes c'est plus cool!), ou tout simplement radicalement différentes des autres provinces. Et là, ça se passe bien. La société indienne avance très vite. En une génération, je pense, les progrès sociaux vont être énormes. Mais oui, il y a encore du boulot à ce niveau-là. Niveau tourisme, je connais pas mal de femmes qui ont voyagé longtemps en Inde, seules ou à deux, sans aucun problème. Encore une fois ce n'est qu'un tout petit retour d'expérience d'un mois. On verra d'ici quelques mois si j'ai d'autres sons de cloche.

T.E: Moi j'ai du mal à croire en ces grandes théories sur le pacifisme de ce peuple, l'héritage de Gandhi etc. Tu as quoi à me dire à ce sujet?

B.W: Et bien en réalité c'est comme partout! La plupart des gens sont pacifistes et zens. Mais on trouve toujours des exceptions. La grande majorité des indiens est hindouiste ou bouddhiste. Ces deux religions sont plutôt cools, et les indiens sont un peuple très croyant. Donc on peut dire que c'est un peuple plutôt pacifiste, oui. Mais j'ai vu aussi des indiens s'énerver, j'ai entendu des conflits inter ethnies ou inter religions très violents. Et les faits divers passent leur temps à mettre en lumière les pires évènements. Je dirais donc qu'ils ont globalement pacifistes mais que, comme partout, il y a des sujets et des atteintes aux valeurs qui déchaînent les passions et ça peut dégénérer.

On fait une pause, on se boit un petit lassi avec Bobby et on revient pour la troisième partie.

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 Au "Blue Lassi" à Varanasi: Banane/pomme/chocolat, et pomme/grenade, le tout servi dans de petites bolées de terre cuite, avec leur mini cuillère en bois : bon appétit !